CHERIF : une série policière fine, ludique, et élégante
La série a trouvé au fil des 4 saisons son public et ses fans, qui partagent une page Facebook et s’échangent des informations parfois très précises sur les dessous de la série. Les fans s’échangent des répliques-culte et des montages de scènes emblématiques.
Cette série policière à la fois ludique, raffinée, voire sophistiquée, n’empêche pas de renvoyer à une réalité humaine qui sonne constamment juste, à travers des héros très attachants, quel que soit leur rôle. La série renvoie à d’autres séries et emprunte au genre de la comédie policière, mais ses créateurs et tous ceux qui lui donnent vie ont su inventer une tonalité originale.
Il y a différentes manières de s’intéresser à la série (et les critiques des revues de télévision ont bien tort de juger souvent sévèrement la série sans même se demander ce qui la sous-tend). Pour ma part, j’ai pris plaisir à observer la peinture d’une réalité policière souvent crue, mais nuancée, et qui invite à la réflexion, à analyser la relation ambiguë de la vérité et du mensonge, la dynamique de construction d’un couple de policiers, les liens entre réalité, fiction et métafiction.
La réalité policière
La série sur ses 4 saisons présente l’habituel lot, dans les séries policières, de psychopathes, de pédophiles, mais aussi d’individus, a priori ordinaires, dépassés par leur destin : comme l’explique Kader, la plupart des meurtriers agissent dans l’instant, et la préméditation est plutôt rare, (mais il y en a des exemples dans les quatre saisons). Ces meurtriers ont du mal à expliquer comment ils sont devenus violents : « Je n’étais plus moi-même » est une explication récurrente. Les crimes sont liés à des situations et des milieux particuliers : casino, famille en mal d’enfant, service de médecine hospitalière, avocats, grand restaurant, maison de retraite, etc…La série ne masque pas l’obscénité du cadavre, humain devenu objet, dont l’autopsie et l’enquête dévoileront les secrets.
Ce que Kader appelle « la part d’ombre de chacun », (« cette merde que vous côtoyez tous les jours », dit crûment la femme de Brossaud), que son métier est d’affronter, recouvre des situations diverses, où souvent le meurtrier choisit de se faire justice lui-même, essentiellement parce qu’il est menacé, ou parce qu’il se venge. On ne se fait pas justice soi-même, est un fil rouge très fort de la série : « La justice privée ça n’a jamais payé et ça coûte cher », dit Kader. Un homme comme Villeneuve sait expliquer la contagion du mal : on peut devenir comme celui dont on se venge, enfermé dans la haine.
La série pose les problèmes de la relation entre police et justice : la place de l’aveu, que j’explique par ailleurs plus loin, plus que de la preuve scientifique (même si celle-ci est recherchée), anticipe sur les limites du procès qui suivra : un aveu peut être fragile. Les officiers de police judiciaire, auxquels appartiennent les deux héros, peinent à recruter en 2017. Leur tâche est difficile, et la série débute postérieurement à 2011, année de l’obligation de la présence d’un avocat pour tout interrogatoire. On voit les problèmes posés par cette règle aux policiers, surtout quand l’avocat invite le suspect au silence, même si la série ne remet jamais en cause les droits de la défense, bien au contraire. La place de l’avocat qui défend même un néo-nazi, est bien soulignée, même si l’omniprésence (assumée par des remarques de Kader) de Me Atlan fait sourire. L’avocate voit parfois dans un drame une belle affaire, alors que c’est d’abord un drame. La série donne du lien entre travail policier et droits de la défense une vision toujours juste et nuancée, au-delà de l’effet comique créé par la présence largement dominante de l’autre couple, Déborah/Pierre, dans le rôle des avocats.
Starsky et Hutch ou Maigret ? C’est Kader qui explique à sa fille que le métier de policier, c’est plutôt Maigret. Cette remarque n’est pas forcément totalement juste, car Maigret n’est pas le contraire d’une comédie policière, mais elle dit l’espèce de compagnonnage qui se construit entre meurtrier et policier, et leur proximité éventuelle : Kader avoue qu’il faut « jouer d’égal à égal avec un meurtrier », et la vérité sur un coupable peut être un morceau de sa propre vérité : la place du couple, de l’enfant, par exemple… La proximité policier/suspect ou témoin est atypique, ce que permettent la fiction et la comédie policière : suspects appelés par leur prénom (parfois à leur demande), tutoyés ou vouvoyés selon la situation, et relations explicitement érotisées parfois entre Kader et certaines suspectes ou témoins…
La frontière entre victimes, suspects et coupables, n’est pas toujours simple à délimiter, car dans la vie, il y a peu de situations qu’on puisse présenter de manière manichéenne : il y a des victimes peu sympathiques, des suspects en garde à vue, pas forcément sympathiques, mais innocents, des coupables qui sont de vraies ordures, mais d’autres qui parfois aussi sont des victimes. Il reste que le couple de héros impose à tous une éthique forte, en particulier pour les affaires de viol : Kader porte la même exigence qu’Adeline, et ce n’est pas rien, vu le machisme français bien connu, entre autres souvent dans le milieu policier. Et enfin, les policiers ne sont pas des cow-boys : tirer sur un suspect est un choix de dernier recours, et Kader comme Adeline (même si c’est elle qui est identifiée comme tireur d’élite, il a les mêmes compétences) visent un bras ; on empêche un suspect de nuire, et on ne se met pas en danger, ou on protège un collègue, sans plus.
Au demeurant, les OPJ ont dans la série un immense pouvoir : ils peuvent mettre en garde en vue (et parfois des innocents, même Kader en fait les frais), et arrêter (sans avoir forcément tous les éléments nécessaires). Les arrestations sont souvent musclées, que ce soit Kader ou Adeline qui en prenne l’initiative. La justice est peu présente, sauf dans un épisode de la saison 1, et pas dans un beau rôle : elle est présentée par le juge Caron (mais c’est une vraie caricature, sciemment), comme un système, qui peut être dévoyé, à quoi Kader lui objecte qu’elle doit rester humaine : « C’était si difficile de lui dire ce qu’il voulait entendre ? » mais justement ce n’est pas le but de la justice. Elle semble aléatoire : « selon les juges » dit Adeline…On peut en repérer les effets a posteriori : Farid a déjà purgé une peine de prison, et va en assumer une deuxième, la justice peut mettre en prison préventive de manière abusive (Bruno Portal).
Les intrigues de la série n’ont pas toutes le même niveau de vraisemblance, (mais le but de la série n’est pas une vision systématiquement réaliste du métier de policier) : compétences techniques et informatiques pas toujours crédibles, intrigues policières où parfois on se noie sans vraiment comprendre comment le meurtre a pu avoir lieu, mobiles parfois un peu confus…
Vérité et mensonge
A plusieurs reprises dans la série, s’opposent vérité et ce qui est dit, ou montré.
« Si vous le dites », « Ce n’est pas du tout ce que vous croyez », sont des phrases récurrentes, surtout entre Kader et Adeline, mais pas seulement.
La vérité est une exigence de la justice, et les officiers de police judiciaire en relèvent, mais elle est complexe à établir, et peut demander du temps. Si un avocat, Pierre Clément, se permet de dire : « Tout le monde ment, capitaine », cette remarque est une menace pour le fonctionnement judiciaire, et révèle sa relative précarité, la vérité des uns n’étant pas forcément celle des autres. Plus généralement, le caractère fictionnel affiché de la série interdit au téléspectateur de prendre pour vrai ce qui est dit ou montré. « La vida es una milonga », dit M. Pujol. Cette phrase qui associe la fiction policière à la théâtralité (Shakespeare, Calderon, par exemple se sont interrogés sur la vérité de la réalité et de la vie), lui donne aussi une résonance métaphysique : nos vies courtes et précaires sont souvent construites autour de croyances fausses, et la complexité humaine permet difficilement de démêler réalité, rêve, souhaits, surtout quand ils se heurtent à une existence quotidienne contraignante et pas toujours choisie (« On a toujours le choix », dit Adeline, mais est-ce si vrai ?).
C’est Kader qui propose l’exercice de la « minute de vérité », empruntée à un épisode de la série Remington Steele, donc à une autre fiction, mais Adeline en voit rapidement le piège et les limites, et d’ailleurs, Kader ne sait pas où est sa vérité, avant la saison 4, Adeline encore moins. Elle utilise d’ailleurs le même procédé sans le dire en décrivant Kader dans le premier épisode, mais elle nie le contenu de sa minute de vérité : « Il faut vendre du rêve, de l’illusion » dit Adeline : cependant, Aphrodite confirme la vérité de la description faite par Adeline : « Bel homme, sourire ravageur, attirant, mystérieux, aime les contacts rapprochés et sensuels » ; la vérité qu’on nie pour ne pas avoir à avouer ce qu’on ressent est quand même une vérité, assumée par une autre, qui reviendra en miroir à Kader. On peut faire la même remarque pour le baiser de la fin de la série 3, une autre vérité : Adeline peut faire ce qu’elle veut, Kader comprend vite au début de la saison 4 que l’explication à sa fuite ne le concernait pas, lui. Il lui reste à attendre l’apaisement d’Adeline dans son combat pour réhabiliter son frère, seul moyen de se faire aimer.
Il n’est pas forcément facile de faire entendre sa vérité : Elodie n’a pas été écoutée par son père qui, pourtant, est prêt à faire n’importe quoi pour elle, Adeline n’a pas été écoutée par son père qui lui en demande pardon à la fin de la saison 4. Faire le faux pour dire le vrai nuance l’opposition vérité/mensonge : le faussaire Farid signe ses faux billets avec une branche d’olivier, en mémoire de l’olivier planté à la naissance de Kader ; la vérité sur la relation Farid/Kader n’est pas simple à définir.
La vérité a un lien avec la mémoire : il faut parfois se souvenir pour témoigner. Avoir perdu la mémoire aide Kader à comprendre la place d’Adeline dans sa vie. Le thème peut être rendu de manière comique : le Dr Royer, spécialiste de la mémoire, a « oublié » qu’il connaissait Legendre. La vérité est plus forte que la maladie d’Alzheimer : Abkarian avoue. La mémoire d’une vérité (l’accident des Duval) peut rester masquée pour protéger ce que chacun dans le couple a cru bon d’occulter. Vérité et mémoire entretiennent donc des liens subtils.
La place de l’aveu dans la série est majeure et dans tous les registres de la série ; dans la fonction policière, à Pierre Clément qui lui dit dans l’épisode Jusqu’à la dernière seconde : « Il faudra le prouver », Kader répond : « Pas besoin quand on a des aveux ». Dans la relation plus privée, Kader dit sans arrêt à Adeline : avouez que…, pour lui faire reconnaître qu’elle ne peut se passer de lui, qu’elle est « accro », etc… (Elle n’avoue rien mais ne conteste pas forcément) ; ce réflexe est quasi automatique dans son mode de fonctionnement : « J’ai hâte que vous vous mettiez à table » (IV, 1), lui dit-il à son retour à Lyon au début de la saison 4. S’il bouscule allègrement le fonctionnement attendu d’un policier (ce qu’Adeline lui reproche dans la saison 1), c’est pour privilégier hors du commissariat, la transformation de son salon ou de sa terrasse en une sorte de confessionnal sécularisé et associé au rituel culturel, appris de sa mère, du thé à la menthe, où le témoin ou suspect (souvent des femmes, comme par hasard), va devoir, sans PV (mais c’est peu crédible, car les informations obtenues vont alimenter l’enquête), se soumettre aux questions d’un personnage, à cheval sur le psychologue qui a largement pris en France le relais du curé, sur le confident, et sur le policier, enfin un personnage bien français, quoi, vu la manie typiquement française de tout psychologiser, et le plus souvent sans outils scientifiques pour le faire sérieusement. Mais Kader est atypique, même s’il emprunte à ce modèle français : il devine très vite ce que les gens ne disent pas et pourquoi.
Rendons justice à Kader et à ses créateurs : il fait un usage globalement éthique de son flair, mi-technique policière, mi-empathie psychologique, exercé à domicile dans le cadre d’une relation d’hospitalité. Mais c’est pour le moins décapant, voire dérangeant, et cette confusion des rôles (est-ce normal que Kader, dans la saison 1, parle de « confidences » pour désigner les buts de sa fonction ?), jugée efficace par Doucet, et même au bout d’un certain temps par Adeline, si c’est un choix narratif, et partiellement psychologique, est aussi une mise à l’épreuve des interrogatoires de police et de la crainte que cette dernière peut parfois inspirer.
Au demeurant, que vaudraient les aveux obtenus au domicile de Kader devant un tribunal ? Sont-ils dans les procès-verbaux officiels ?
Les confidences débordent le cadre policier et l’appartement de Kader : les vestiaires (pour plusieurs personnages) et la voiture de Kader sont aussi des lieux emblématiques.
Le poids de l’aveu dans la culture occidentale
La série souligne constamment ce poids de l’aveu : je ne saurais mieux dire que citer Michel Foucault (La Volonté de savoir 1976 Gallimard, 1976, p. 78) : « L’homme, en Occident, est devenu une bête d’aveu ».
« Nous sommes devenus, depuis lors, une société singulièrement avouante. L’aveu a diffusé loin ses effets dans la justice, dans la médecine, dans la pédago¬gie, dans les rapports familiaux, dans les relations amou¬reuses, dans l’ordre le plus quotidien, et dans les rites les plus solennels; on avoue ses crimes, on avoue ses péchés, on avoue ses pensées et ses désirs, on avoue son passé et ses rêves, on avoue son enfance; on avoue ses maladies et ses misères ; on s’emploie avec la plus grande exacti¬tude à dire ce qu’il y a de plus difficile à dire ; on avoue en public et en privé, à ses parents, à ses éducateurs, à son médecin, à ceux qu’on aime; on se fait à soi même, dans le plaisir et la peine, des aveux impossibles à tout autre, et dont on fait des livres. On avoue ou on est forcé d’avouer. » Dans Cherif aussi, on avoue ou on est forcé d’avouer.
Dynamique des héros et contraintes narratives
Les contraintes narratives choisies par les créateurs alimentent ou contrarient la dynamique des héros tout au long des quatre saisons : elles permettent leur construction et leur éducation sentimentale, et construisent des thématiques emblématiques : la relation au père, le rachat. La jalousie sert par ailleurs de ressort à la fois dramatique et comique.
Le fonctionnement du couple policier
L’admiration de Kader pour Adeline et ses compétences exceptionnelles en tous genres est immédiate. Ils se protègent l’un l’autre et accessoirement, se sauvent la vie. Ils s’accordent rapidement une attention réciproque : « ça va ? », et ce n’est pas une utilisation phatique du vocabulaire : le souci pour son co-équipier est une réalité effective et visible. C’est lui qui pose le premier cette question (I, 2) mais c’est elle qui la première appelle son co-équipier par son prénom (I, 4).
Si Kader a une vie réelle, un passé, un père, une mère, un père de substitution, et un réseau d’amis dans la police, Adeline est un curieux personnage : sans famille, en dehors d’un frère mort et d’une voix au téléphone, celle d’un père qui s’efforce de sauvegarder le lien précaire qui la relie à sa fille. On sait juste que ses parents ont divorcé et qu’elle a passé des années en pension. Doucet et Mme Chérif lui servent d’une certaine manière de parents de substitution.
Elle n’a pas plus d’amis (du moins repérables), ni de lieu de vie identifié (sauf lors de l’effraction de son domicile), elle semble réduite à son addiction (assumée) au travail : Adeline est un bourreau de travail qui dort très peu. Elle est hyperdouée pour tout : tir, informatique, chant, danse… Sa vie intérieure (résumée par un personnage de la saison IV qui repère son « regard mystérieux et pénétrant ») échappe à l’analyse.
Le vouvoiement imposé par Adeline entraîne le développement d’autres noms : Capitaine sert de prénom pour nommer Adeline et Cherif est un autre prénom. Le « capitaine » devenu prénom permet la neutralité de la fonction et la stricte équivalence entre policier féminin et policier masculin.
Kader est au début de la série sans-gêne : il mange en parlant, entre au tribunal comme chez lui. Il reste narcissique et Adeline lui rappelle régulièrement que le monde ne tourne pas autour de lui. Il assume par ailleurs une sorte de fonction tutélaire et « s’occupe souvent la vie de ceux qu’il veut protéger », dit sa mère.
Leur relation est d’une certaine manière inéquitable : Kader valorise plus sa partenaire que le contraire (y compris parfois sur ses cheveux et ses vêtements), sauf quand il la taquine. Cependant, même si Adeline le montre peu, et au-delà de l’agacement récurrent pour ses méthodes pas toujours orthodoxes, et son culte des séries « pourries », qu’elle lui jette à la figure en début de saison 2, elle est fascinée, et parfois intimidée, par son co-équipier, sa finesse, sa vitesse de compréhension des situations et son flair exceptionnel, son incroyable assurance, son éthique exigeante, sa drôlerie, son incroyable vitalité, sa sensualité aussi (relevée dans le vrai-faux portrait qu’elle fait de lui pour l’annonce du site de rencontres), et son exceptionnelle empathie pour les autres. Celui que ses copains de collège appelaient Zorro et celle qui accepte le déguisement de Wonder Woman proposé par Kader (qu’elle lui offre en portrait signé), ne pouvaient que se retrouver dans leur soif idéaliste de rendre justice aux victimes, en particulier les plus vulnérables. Un policier n’est pas un justicier et n’a pas à l’être, mais il peut en partager les rêves utopiques et le respect dû à chacun au-delà de son statut social.
Le couple amoureux
La relation amoureuse du couple policier est inscrite dans les codes des comédies policières mais est utilisée de manière originale. Le couple n’est jamais remis en cause par les rivaux parallèles, plutôt falots. Justine Gayet n’a d’ailleurs même pas droit à un vrai nom de fiction : elle est au générique de la production. Elle se construit cependant une grandeur a posteriori en ne cédant pas au chantage de Dupré, et en affichant devant Adeline son respect et son admiration pour l’homme qui l’a quittée.
Tous les deux sont à vrai dire affectivement immatures (Déborah aussi) et cette immaturité laisse une large marge de manœuvre aux créateurs. La série est à beaucoup d’égards une sorte d’éducation sentimentale ; Inès repère ainsi l’évolution de son ex-compagnon : « Tu as changé » (II, 3). Kader a oublié de grandir, plus ou moins prisonnier de son omniprésent gynécée : son ex-femme, d’un incroyable sans-gêne, qui s’invite en permanence et grossièrement chez lui, jusqu’au dérapage prévisible, capable de s’imposer et de lui faire perdre du temps, même quand il y a urgence à traquer un meurtrier, sa mère, mamma mal rendue par la bienveillante actrice qui joue le rôle, alors qu’au téléphone elle se transforme en épouvantail, sa fille qui parfois se joue de lui et occupe une large partie de son temps.
Kader passe de la drague, et du marivaudage érotisé à la demande en mariage sans avoir fait le chemin entre les deux. Il demande implicitement Adeline en mariage dans la saison 3 en évoquant sa place dans sa famille : « Il ne tient qu’à vous d’en faire partie »…Mais Kader a perdu Adeline en fin de saison 2, par sa légèreté, et Adeline a beau jeu de lui objecter son encombrante famille, où elle voit mal sa place, même si elle a été immédiatement adoptée par Mme Cherif et Sarah.
Elle reproche à Kader son incohérence à la fin de la boucle temporelle, mais la plus incohérente, c’est elle souvent : à la fin de la saison 2, elle promet de négocier (peut-être, son mot-clé dans les relations amoureuses) le partage de la chambre, mais quand Kader le lui propose dans l’épisode suivant, elle ne comprend pas, et lui encore moins. Son personnage est complexe : à la fois ingénue, qui lit des romans à l’eau de rose « pour romantiques attardés » dit Baudemont, et Vague de chaleur de Richard Castle (l’héroïne est une sorte de double qui essaie de mener vie professionnelle exigeante et attirance pour un journaliste d’investigation), et parfois infantile : disparaître pendant 7 mois sans donner de nouvelles, et paraître vexée que Kader ait mis une autre femme dans sa vie, n’est pas très adulte (pour reprendre un reproche qu’Adeline fait à Kader au début de la saison 1). L’image à plusieurs reprises de son visage, bouche ouverte devant Kader, en admiration béate, sans s’en rendre compte, devant lui, est particulièrement savoureuse. A l’inverse, le plus rigide des deux n’est pas forcément celui qu’on pense : Adeline, pour finir, a beaucoup d’indulgence pour les autres.
Vite jalouse, elle essaie de tenir loin le partenaire qui pourtant l’a rapidement séduite. Rongée par un drame familial qui ne prendra forme et sens que petit à petit, à la fois gamine perdue et professionnelle aguerrie au sang-froid sans faille (son seul dérapage est dans la première saison), elle apparaît complexe et mystérieuse dans sa relation à Kader. En fait, elle est trop peu libre dans sa tête pour construire quoi que ce soit, et s’en remet aux événements, ou prend la fuite, de manière pas forcément rationnelle. Incapable de savoir ce qu’elle veut, elle s’en remet à celui qui décide pour elle (Garnier), alors que ce serait contraire à l’éthique de Kader de décider pour elle, et pourtant, elle aimerait visiblement que Kader décide pour elle, tout en le tenant à distance, s’il pense pouvoir aller en ce sens. Un rien allumeuse quand même, sous ses airs d’enfant grandie sans amour, et venue de nulle part.
Les relations amoureuses du couple sont complexes et fines. Dans le dernier épisode de la saison 3, Kader affirme avoir aimé Adeline dès qu’il l’a vue : ce n’est pas forcément très crédible, même en revoyant la saison 1 après les deux suivantes ; au demeurant, l’attirance de Kader pour sa nouvelle co-équipière est tout de suite réelle, et réciproque, et leurs manifestations de jalousie (à vrai dire surtout celles, comiques, d’Adeline), les trahissent régulièrement. Le flic « sans complexes », comme il se décrit, très cabotin dans les deux premières séries surtout, et très sûr de lui (il faut quand même oser dire à une femme : « Je suis l’homme de votre vie »), bute sur Adeline qui ne lui tombe pas dans les bras comme les précédentes, et qui par deux fois lui échappe. Elle est souvent exaspérée, mais il la fait sourire en douce dès le deuxième épisode de la saison 1. Elle a imposé le vouvoiement, et la distance qui va avec, à un homme qui ne sait pas trop quelle est la bonne distance avec les uns ou les autres, et surtout avec les femmes : il ne sait pas résister à une jolie femme et beaucoup de femmes ne demandent qu’à lui tomber dans les bras ; Kader le sait et en joue : « C’est l’effet que je fais aux femmes », dit-il à Adeline. Au demeurant, beaucoup de choses lui échappent, car il ne semble pas comprendre pourquoi Christelle Laurent s’en est prise à Adeline, alors que c’est une évidence pour tout le monde. Curieusement il ne dit non à une femme qu’une seule fois, à Inès, mais il faut dire que toutes les femmes de sa vie organisent la coalition contre elle…
S’il la drague au début, cette attitude va avec les outrances du démarrage de la série, mais il s’en tient par la suite à des paroles plus convenues, qui vont avec les attendus d’une comédie policière construite autour d’un couple. Jamais de geste déplacé (le seul qu’on voie faire à Kader concerne Chloé à qui sa fille a volé son portable). Leur relation commence avec des menottes et la discrète érotisation des menottes revient de temps à autre dans la série (première rencontre de Kader et Adeline, « Je préférerais être menotté par ton capitaine Briard », dit Farid, l’étudiante qui se prostitue, et surtout le gag avec Aphrodite partie avec enthousiasme pour un jeu sexuel : « Je suis votre prisonnière », et se retrouve menottée en garde à vue).
Il est étrange qu’un homme amoureux, repéré comme tel par des membres de son entourage (sa mère depuis la saison 2, Justine) soit incapable de le dire à la femme qu’il aime. Si doué pour comprendre ce que les gens ont besoin d’entendre et si peu doué pour le dire à la femme qu’il aime. Justine, interrogée par Dupré, explique la rupture, et affirme que Kader allait avouer ses sentiments à « une autre », mais il ne le fait jamais, et s’en sort en disant à Adeline qu’en somme, ils n’ont pas besoin de se parler pour se comprendre. Drôle de couple où les sentiments restent non-dits, d’un bout à l’autre de la série, par l’un comme par l’autre : c’est à Doucet que Kader dit qu’il aime Adeline, et à Mme Cherif qu’Adeline dit que peut-être son fils ne lui est pas indifférent, et encore passe-t-elle par une litote et un modalisateur pour avouer quelque chose. Au demeurant, tout le monde voit l’existence de ce couple de fait, même une femme atteinte de la maladie d’Alzheimer.
Devant la faillite du langage, il reste d’abord le langage des corps : le geste de Kader qui prend le visage d’Adeline dans ses mains (ce geste devient un moment fondateur de leur relation), dans l’épisode Reine d’un jour, avant de prononcer les paroles qui vont l’apaiser (ce que Doucet avait déjà fait, mais sans succès), le tango, l’apprentissage de la langue des signes et la guidance physique de Kader par Adeline, le baiser. Il reste aussi les faits, et les preuves de l’attachement réciproque qui lie les deux policiers : « Vous avez tout perdu pour moi », dit Kader à Adeline.
Adeline joue plus finement son rôle amoureux que Kader. Cela tient aussi à ce que le personnage est moins tiré vers la comédie que Kader et a plus d’espace pour construire son rôle. Sa manière de se jeter à l’eau (avec d’incroyables mimiques) par deux fois pour rejoindre Kader chez lui (fin de saison 2 pour rien, puis fin de saison 4) est très savoureuse. Adeline a beaucoup de mal à s’avouer un sentiment, et il ne reste en somme à cette femme qui avoue à Kader n’aimer comme jeu que le strip-poker, que le coup de poker pour dépasser ce qu’elle ne maîtrise pas. On comprend mieux sa désillusion quand elle voit Kader dans les bras de Déborah. Son sang-froid est incroyable, y compris devant le désir exprimé de Kader, lors de la nuit qu’elle passe chez lui, en fin de saison 2 ; la situation donne lieu à une scène de comédie très drôle, où les deux personnages se morfondent, pour finir, de chaque côté de la porte de la chambre à coucher, alors qu’ils souhaitaient tous les deux passer la nuit dans le même lit. Mais les créateurs de la série en avaient décidé autrement…
Cette curieuse relation amoureuse non dite a peut-être une explication plus subtile : le philosophe François Jullien explique dans Une seconde vie qu’il faut casser l’image de l’amour-passion comme grand embrasement qui retombe en cendres, et il préfère développer le concept d’intime ; pour lui, dire « je t’aime » est faire de l’autre un objet, mais dire « je suis intime avec toi », c’est se poser comme sujet par rapport à un autre sujet. Kader et Adeline n’en sont pas là, mais il y a quelque chose qui leur va bien dans cette analyse. Ils se connaissent intimement depuis la première saison, et le développement, voulu par les narrateurs de la relation amoureuse, et associé au codage conventionnel de ce genre de comédie policière, se surajoute, pour finir de manière naturelle et évidente, à la construction d’un couple qui se fait en dehors de ces conventions (« Unis comme jamais », dit Dupré) : ces deux-là sont soudés, depuis le départ, par la volonté des créateurs, et histoire d’amour ou pas, ont accepté qu’une partie de leur vérité soit détenue par l’autre. Ils ont dès le départ ou presque une confiance absolue l’un en l’autre : cette confiance absolue vaut toutes les déclarations d’amour, et elle résiste même à l’amnésie de Kader. Adeline peut dire à Dupré qu’elle connaît mieux Kader que son frère, et Kader se fait objecter par Garnier ses certitudes sur Adeline, alors qu’il ne la connaît que dans le travail. « Vos souvenirs en commun vous donnent l’impression de bien la connaître », dit Kader : la construction d’une relation amoureuse n’est pas liée au passé. Et Adeline perd sa lutte contre Delmas tant qu’elle refuse l’aide de Kader.
Le rapport au père
La réflexion sur le rapport au père est un des aspects les plus attachants de la série.
M. Winckler dit à Adeline : « Je ne suis pas comme votre père, je fais ce qu’il faut », mais c’est un père intrusif (« Mon père a toujours voulu me contrôler », dit son fils), réduit à une virilité ostentatoire et de pouvoir, comme le montre le taureau sur son bureau. Faire ce qu’il faut, est-ce contre l’intégrité ou la réalité des faits ?
Dans la série, les personnages apprennent les uns des autres : la circularité de la vérité, des apprentissages, est une caractéristique de la série. C’est vrai entre autres choses pour l’apprentissage de la paternité. Kader fera ce qu’il faut pour sa fille en réglant un conflit de valeurs en faveur de sa fille. « Je t’ai protégée parce que je suis ton père ». Le père d’Adeline a privilégié l’intégrité. Sa fille le voit comme un père abusif – elle reconnaît « courir après la reconnaissance paternelle » – et généralise sa vision des pères à travers son expérience personnelle : « Tous les pères se ressemblent ». Le père d’Adeline finit par faire « ce qu’il faut » en sauvant Doucet, et il le fait pour sa fille, à défaut d’avoir été à la hauteur pour son fils.
C’est une vision nuancée et souvent attachante des pères qui ressort de la série : pères parfois christiques qui sacrifient tout à leur fille comme le chef Hurtince, même leur réputation, ou protègent l’enfant qu’ils n’ont pas comprise, après sa mort, comme le père d’Anaïs, qui mettent en jeu leur carrière comme le grand flic père d’Elodie, règlent leurs comptes a posteriori comme le PDG d’Ariege, ou qui essaient de rattraper le temps perdu comme celui de Jade, ou celui d’Aïcha : « Il m’a dit qu’il fallait que je lui laisse une place dans sa vie ». Même celui de Kader découvre à travers son statut de grand-père ce qu’il a raté.
C’est Kader qui donne l’image de la paternité la plus forte : il donne ce qu’il n’a jamais reçu de son père : l’attention, l’exigence, l’amour, l’apprentissage aussi du métier de père puisqu’il corrige ses erreurs. Doucet lui sert de père de substitution et c’est en pensant à lui dans une scène émouvante et pudique de la saison 4, que Kader donne une définition de la fonction de père (celle qu’il construit dans sa relation à sa fille), celui « qui te recadre quand tu déconnes, sur qui tu peux compter ». Kader peut relativiser sa souffrance d’avoir grandi sans père : « Un père présent peut faire plus de mal qu’un père absent ».
Même ratée, la relation ratée au père doit être dépassée : c’est le conseil de Doucet donné à Adeline au début de la série 1. Le drame familial d’Adeline, l’absence de la mère, la haine du père seront dépassés à la fin comme l’avait annoncé Doucet. Kader va aussi apprendre à pardonner à son père, qui lui renvoie de son nouveau séjour en prison, une image de l’admiration que ce père voue à son fils, malgré tout, dans l’épisode 8 de la saison 4.
La parentalité est d’abord vue à travers la relation père-fille, ou mère-fille : comment protéger l’enfant qui vous échappe, commence à mentir : « C’est à 14 ans que les enfants commencent à nous mentir » dit la mère de Sandrine, en écho à ce qui commence à arriver entre Kader et sa fille. Etre parent est une tâche complexe qui ne va pas de soi.
Le thème du rachat
Il est récurrent dans la série et lui donne, malgré la noirceur de certains épisodes, une tonalité positive.
La seconde chance évoquée comme impossible dans l’épisode de la boucle temporelle, est parfois une réalité, ou du moins, la série lui laisse une possibilité d’existence, pas toujours aboutie (les créateurs ne sont pas naïfs non plus) : comment racheter une erreur, une trahison, un abandon, le temps perdu loin de son enfant…
Comme ailleurs dans la série, les situations s’éclairent les unes les autres : Kader finit par obtenir de son père la description de la femme qui faisait la mule pour les trafiquants de fausse monnaie, parce qu’il lui jette à la figure la photo de la fausse suspecte, qui cherchait à se racheter pour retrouver un lien avec son fils, en lui disant qu’il est bien incapable de comprendre. Farid va aussi faire le choix d’assumer enfin ses responsabilités, et il le fait pour se racheter auprès de Sarah, peut-être aussi auprès de son fils, dit Doucet. Garnier est prêt à n’importe quoi pour racheter sa faute : c’est même dans cette volonté de conserver l’amour d’Adeline que le personnage, bien falot au départ, trouve une sorte de grandeur héroïque. Même le pédophile, qui essaie de se soigner lui-même, et va au-devant de sa mort en essayant de parler à son ancienne victime, trouve aussi cette même grandeur tragique, comme Julien Lamarre voulait se racheter auprès de sa femme et de son fils et le paie de sa vie.
Le statut particulier de Kader Cherif
Kader est le seul à avoir un statut particulier. Il est le seul à tutoyer son chef, avec lequel il entretient des relations qui vont bien au-delà de la relation professionnelle.
Son surnom qui joue sur l’homophonie, le Shérif, intervient dès le premier épisode de la saison 1, et c’est Adeline qui le lui donne. Adeline repère tout de suite « le sens de l’observation du « shérif ». Il se le donne lui-même dans l’épisode titré « Hors la loi ». Baudemont ne comprend l’homophonie que dans la saison 4, mais c’est lui qui voit quel parti en tirer pour comprendre le message crypté laissé par Kader dans la voiture abandonnée, lors de l’épisode du braquage.
Il est qualifié de héros par exemple par Dejax (« C’est le héros, à la fin, il finit toujours par trouver »), il se qualifie lui-même ainsi (« Les héros ne meurent jamais »), et il est le seul personnage à se retrouver dans un épisode fantastique. Cet épisode atypique (La mort de Kader) est finement construit autour du défi posé à Kader : mener une enquête policière à l’envers, quand on connaît la fin, puis les éléments, et qu’il faut trouver les clés pour empêcher le désastre et les morts annoncées (dont celle d’Adeline et la sienne). Cet épisode parvient à rendre crédible l’hypothèse qu’il serait possible d’imaginer pouvoir manipuler ce destin que certains considèrent comme immuable. IV, 4 : « On n’a jamais de deuxième chance dans la vie », dit Baudemont : justement, si.
Kader vit le démarrage de la cinquième journée en boucle de manière angoissée puisque repose sur ses seules épaules la possibilité d’éviter l’engrenage fatal d’une tragédie. Devenu malgré lui deus ex machina d’une histoire dont il a dû reconstituer les éléments, il devient le héros solitaire (car il ne peut rien partager) d’un épisode très particulier qui a aussi comme intérêt de décaper sa réalité quotidienne par couches successives, comme un oignon : Justine va rencontrer sa mère dans les deux premières journées, puis apparaît en porte-à-faux par rapport à Kader qui lui demande son aide pour sortir de la boucle temporelle, puis disparaît pour revenir lors de la 5ème journée dans une attitude bien plate, et sans perspective de se voir présentée à Mme Cherif. Adeline meurt 4 fois dont une après avoir refusé de se séparer de lui, et une fois, seule. Sous l’égide bienveillante de l’apparition de son arrière-grand-mère (la dernière apparition se superpose à l’arrivée d’Adeline en voiture), il remet de l’ordre dans sa vie. Il appartenait à Kader de ne pas perdre Adeline (la mort de cette dernière dans les 4 premières journées de la boucle temporelle le renvoie au besoin de tester la réalité physique de son existence dans la cinquième et lui permet de comprendre à quel point elle compte pour lui). Celle-ci, après son sourire le plus extraordinairement gracieux des 4 saisons, en voit le résultat : « Je vous trouve apaisé », dit-elle. Sauver Adeline n’est pas forcément la leçon numéro 1 de cet épisode, mais c’est son interprétation, celle qui lui donne une justification pour quitter Justine, ou celle que les créateurs ont conçue pour rétablir le couple Kader-Adeline.
De la même manière, le gag automatisé de Dejax en train de draguer Adeline sur les scènes de crime apparaît dans cet épisode pour ce qu’il est : un gag usé jusqu’à la corde qui va cesser, Dejax ayant trouvé l’âme sœur, comme le montrera un épisode ultérieur de la saison 4.
Cette toute-puissance ponctuelle de Kader dans cet épisode particulier n’enlève rien par ailleurs à la profonde humanité du personnage et à ses limites, justement très humaines, dans d’autres épisodes des quatre saisons : Kader ne peut empêcher l’accident de Samuel qui le fuit : tu ne pouvais pas savoir ce qui allait se passer, lui dit Doucet. Il n’empêche pas non plus la femme de Dulong de mourir dans ses bras. Il partage avec Adeline ce sens aigu de la précarité et donc du prix de toute chose dans la vie.
Kader est aussi le seul à avoir des frontières poreuses avec d’autres statuts : voyou (il porte sur lui une pochette d’instruments pour ouvrir illégalement les portes, venue d’un escroc, héros de fiction) qui devient braqueur de banque pour sauver sa fille, avocat, serveur, animateur radio, commissaire Mansard, acteur…Cette plasticité, qui lui permet de délimiter son propre statut, en explorant d’autres possibilités, est aussi celle du comédien (un comédien, Tom Duval, fait, parallèlement, un stage à l’hôtel de police pour travailler son futur film) : elle met le fonctionnement de l’acteur en abyme ; elle est fascinante, comme le souligne l’extrême mobilité du visage d’Abdelhafid Metalsi, accentuée par les choix du tournage. Adeline peut jouer ponctuellement le rôle de Kader (« flic rebelle et cool à la fois »), pas les autres. Quand Dejax s’y essaie, il est seulement comique. N’est pas Kader qui veut.
Il n’est pas non plus enfin exactement de son temps : à beaucoup d’égards, il appartient à une autre époque, celle des séries qui constituent ses références, ou de la musique soul, choisie comme autre référence, et donc de fait à un autre siècle ; il lui arrive d’ailleurs d’avoir des comportements un peu ringards. Sa méconnaissance affichée de l’informatique et son peu de compréhension d’une réalité contemporaine appuyée largement sur le besoin d’être connecté en permanence, pour abolir les repères d’espace et de temps traditionnels, en témoignent souvent.
Kader a beau affirmer à Justine, au moment de la quitter, qu’il préfère la réalité à la fiction, son ancrage dans la réalité est particulier, tant son caractère fictionnel est constamment réaffirmé. Sa fille contribue à son ancrage dans la réalité, et on peut se demander comment cet ancrage se poursuivra, puisque sa fille est partie. Un défi à relever pour les créateurs.
On trouve à la fin de cet épisode la même image de la sculpture sur les quais de Saône en face du Palais de Justice : Le Poids de soi-même, que lors de l’épisode de l’enlèvement d’Adeline. « Je cherchais mon plus lourd fardeau, / C’est moi que j’ai trouvé. », comme l’écrit Nietzsche dans ses Journaux. Cette sculpture associée au fonctionnement judiciaire est surtout une œuvre aux résonances métaphysiques où un homme porte son double dans ses bras, sauveur et fardeau de soi-même. Lecture officielle : « L’œuvre sera très représentative de notre culture contemporaine. Elle ne célèbrera pas un héros, ni quelqu’un qui poursuivrait un but, tenterait d’accomplir quelque chose. Ce sera l’histoire de quelqu’un qui essaie de se sauver lui-même. »
Dans l’enlèvement d’Adeline c’est une femme aliénée par sa propre folie qui incarne ce double, mais le thème du double est récurrent dans l’épisode où les deux héros jouent un rôle différent de celui qui est attendu : les deux couples qui se superposent à la fin ne sont pas de vrais couples, et le discours de Kader s’adresse à une autre. Il n’est pas plus possible de dire que la chanson d’Adeline dans le karaoké s’adressait vraiment à Garnier.
Dans l’épisode fantastique de la boucle temporelle, le double est aussi celui de la responsabilité policière et judiciaire de l’officier de police judiciaire dans le destin des autres, qui double la responsabilité propre de chacun dans ses choix de vie. Il n’est pas forcément simple et rapide de repérer les aliénations et les erreurs qui peuvent en découler. C’est une manière de retrouver le fonctionnement des grands polars dans lesquels à la quête narrative du coupable s’ajoutent souvent une analyse sociologique qui éclaire le contexte du crime, et une quête métaphysique où la quête de l’identité du coupable se recoupe avec la quête de chacune des vies humaines : trouver son identité et lui faire sa place.
Réalité, comédie, fiction et métafiction
La série se veut d’abord ludique, et les gags, souvent très drôles, sont nombreux, construits sur les particularités des personnages : l’allergie à la paperasse de Kader (et il lui arrive de mentir en invoquant sa mère pour y échapper), la drague de Dejax, les blagues de Baudemont, son attachement à ses « petits poulets », les deux héros qui jouent à celui qui va le plus vite, la scène chez la « psy pour couples », le pari du début de la saison 2, la gifle, la veuve noire qui demande aux pompiers s’ils veulent une tasse de thé et garde son nom de jeune fille pour ne pas en changer trop souvent, les bouteilles de vin chez le caviste dans des cartons où on lit « Consolation », en pleine prise d’otages par ailleurs, le comique de répétition : la même scène rejouée par Kader puis Adeline après une nuit avec une/un autre… Le comique n’interdit pas les tragédies (chaque épisode comporte au moins une mort violente), car le comique n’est pas le contraire du tragique, mais son miroir ou son contrepoint émotionnel.
Les clins d’œil au public sont réguliers, implicites ou explicites : Kader au début de la saison 2, « C’est pas comme si votre duo faisait fantasmer des millions de personnes », dit Dejax.
La série s’inscrit dans la continuité d’autres séries policières, régulièrement citées essentiellement par Kader, qui la contaminent : « Chapeau, Purday » ; « bien joué, petit scarabée », dit par exemple Kader à Adeline. On en trouve une liste non exhaustive sur la page Wikipedia de la série. Kader a son propre Huggy-les-bons-tuyaux en la personne de Rochmansky. Baudemont évoque en IV, 1, Doucet en l’appelant Kojak. Beaucoup de références aux séries antérieures servent d’étayage à l’enquête en cours, mais il ne s’agit pas de dire que tout a déjà été dit, hélas et qu’il reste à répéter…Les références aux séries sont une aide méthodologique, mais l’intelligence de Kader est de les adapter en étayant son intuition initiale (et Adeline apprend en saison 4 à faire de même), La série s’auto-cite : II, 1 ou IV, 3. Kader cite une série où l’acteur du rôle-titre a joué un commissaire, Les Hommes de l’ombre. Adeline fait tomber un suspect de sa chaise dans le premier épisode de la série, et Kader réutilise ce « truc » dans la saison 4. Baudemont évoque lors de l’épisode de braquage, une possible « saison de trop ». Lors de l’arrestation de son père, Kader évoque cette intertextualité cinématographique : « On voit ça dans toutes les séries » ; « le plus intéressant ne se passe pas toujours sur scène ». Et il attend la « sortie des artistes ».
Quant au maître d’œuvre de la série, Lionel Olenga, il se la joue Hitchcock en apparaissant à deux reprises dans la série et on peut aller au Olenga’s coffe.
Il faut faire un sort particulier à la série Clair de lune, citée 4 fois, surtout parce qu’elle a donné naissance au pseudo-syndrome Clair de lune, évoqué par Justine : faire aller un couple de série policière jusqu’à la nuit d’amour, c’est prendre le risque de tuer la série. Kader et Adeline écoutent ensemble la chanson qui accompagne la nuit d’amour de Clair de lune en riant : démystification du syndrome ou renvoi au caractère fictionnel de leur relation amoureuse ?
Si la première nuit d’amour du couple Adeline/Kader se fait sur fond de Be my Baby, chanson en écho à cette série, la scène ludique et lumineuse de Cherif n’a rien à voir avec l’érotisme de pacotille et lourdingue de la série de référence. Heureusement.
La série affiche aussi son rapport au théâtre et au spectacle : la salle de tango a des fauteuils de spectacle, le dénouement des épisodes Reine d’un jour (le viol sur l’écran) et La dernière séance ont lieu dans une salle de spectacle ou de cinéma, qui permet d’utiliser l’écran pour montrer le viol ou la jeune fille qui a subi le même sort. L’hôtel de police devient le lieu d’un tournage de film et les vestiaires deviennent scène de crime et loge de l’acteur principal, Tom Duval.
Elle utilise intelligemment la musique, la musique originale bien sûr, très réussie, mais aussi les musiques additionnelles, empruntées à la soul music (musique associée aux luttes raciales américaines depuis la fin des années 60), dont certaines sont de savoureux contrepoints au comportement des personnages ou aux avancées dramatiques : Mr Big Stuff en I, 1, M. Gros Frimeur : « maintenant je sais pour toutes ces filles, M. Frimeur, tu ne briseras jamais mon cœur, tu ne me feras jamais pleurer ». Ces paroles sont à croiser avec le non ferme d’Adeline aux avances de Kader – elle s’est renseignée sur les collègues dont il a brisé le cœur -, mais aussi avec l’Adeline blessée de la saison 3. Kader a aussi brisé le cœur de Justine, qui lui conserve respect et admiration, au grand dam du Commandant Dupré. I’m a walker : des personnages en quête d’eux-mêmes. La série est aussi un temps d’apprentissage, comme un roman, et une éducation sentimentale. Everybody loves a winner pour la veuve noire qui a développé un sentiment d’impunité, se croit capable de séduire tous les hommes et se fait épingler à la fin, comme le lui annonce Kader qui dans avec elle sur cette chanson. Oh no not my baby, en III, 1, alors qu’Adeline est blessée par la trahison de Kader : « Tu n’es pas comme les autres gars qui nous racontent des mensonges, tu n’es pas comme les autres garçons qui jouent avec des cœurs comme s’ils étaient des jouets ».
Les échos participent à la construction circulaire de la série : Sarah, déçue par Quentin, explique à Adeline : je ne veux pas me faire avoir une deuxième fois. Je ne veux pas de quelqu’un d’autre mais je ne veux pas pardonner. Et Adeline lui propose de chercher un autre copain, ce qu’elle va faire elle-même. Farid a fait le portrait de son fils enfant, la fille de Kader qui a hérité des talents de son grand-père, fait le portrait de son père.
Un certain nombre de situations se définissent par annonces et signes successifs. De la même manière, les trois personnages qui entretiennent les liens les plus étroits manipulent tous les 3 la Ford Torino.
La série est construite sur un voyeurisme généralisé. Il a une fonction dramatique (il alimente l’intrigue, jusqu’à l’invraisemblance : comment Farid et Kader peuvent-ils se faire si facilement piéger et permettre le chantage ?), psychologique (Kader comprend ainsi la détresse d’Adeline, et le voyeurisme alimente la jalousie d’Adeline), comique (les mimiques des deux héros d’une fenêtre à l’autre) : c’est une mine épuisable pour les créateurs de la série. La vitre sans tain de la salle d’interrogatoire, utilisée parfois de manière abusive, participe aussi à ce choix. Ce voyeurisme est surtout un bel hommage au cinéma qui repose sur ce dévoiement maîtrisé et esthétisé. Cette obsession de la transparence : vivre en permanence sous le regard des autres, est aussi une métaphore de l’acteur en permanence filmé.
La série joue avec les utilisations possibles du cinéma : Quentin filme Kader dans son lycée : il prend la place du cameraman. Jusqu’à la dernière seconde commence par un film dans le film, où Columbo est la référence commune à Duval et Kader : « J’ai fait comme toi, j’ai cherché dans les séries ». On pourrait repérer d’autres ambiguïtés : dans Thérapie mortelle, que vise exactement le photographe ? Seulement le cadavre ? Kader joue aussi avec un appareil photo et ouvre une caméra.
Malgré son ancrage dans une réalité sociale précise, la série affiche clairement et constamment son caractère fictionnel. Le téléspectateur est invité à la complicité avec les créateurs. Il a le droit de s’identifier aux personnages (les deux héros sont beaux, hyperdoués en tout, attachants, font leur métier avec passion, et ont des qualités humaines exceptionnelles), d’attendre avec impatience la suite de leurs aventures, mais il doit se souvenir que c’est un jeu, et que la construction du lien entre représentation de la réalité et mise en cause de cette représentation lui revient en propre. A sa manière, il construit aussi le fonctionnement de la série et redouble le travail des auteurs et des acteurs.
La série est une mise en abyme intelligente du rôle du cinéma pour le spectateur. L’image au cinéma met en relation le réel et l’imaginaire, à travers un état de double conscience où le spectateur a conscience de l’illusion mais où cette conscience perçoit le dynamisme de la réalité. Elle donne corps aux apparences. Le cinéma est un mystère, dit Godard : reproduction non pas mécanique, mais imaginaire et interactive de la réalité. Les auteurs mettent en scène leur univers personnel et demandent au spectateur d’y participer. Les réflexions de Jacques Aumont (L’Invention de la figure humaine, Paris, Cinémathèque française, 1995) s’appliquent bien aussi à la série, illustration réussie de la place du corps des acteurs au cinéma. « Au cinéma, le corps le plus immédiat, soit celui qui s’inscrit dans l’immédiateté du visible, est celui du personnage. Avec lui apparaissent un corps, ou plutôt des corps, créés, illusoirement semblables à leur « modèle » qu’est le corps vécu de la réalité. Divers mais toujours particuliers, ces corps sont parfois des « corps-limite » qui, par leur écart visible quant à l’image normative du corps, questionnent le lien qui s’établit d’une part entre le réel et l’imaginaire, d’autre part entre la ressemblance et la dissemblance. Ce faisant, le cinéma tente de soumettre au regard et à la pensée du spectateur non seulement ce qui de l’homme relève du visible mais aussi ce qui en lui relève de l’invisible ou de l’indicible en le rendant au visible et au sensible. Si terriblement humain, cet « homme de cinéma » est néanmoins une fiction, un « homo cinematographicus », par conséquent une figure. Ainsi, le cinéma semble œuvrer de manière à « rendre l’homme » à lui-même, comme sans cesse soucieux de créer de l’homme pour qu’il ressemble à l’homme. »
Ce retour sur l’humain, grâce au travail cinématographique, est une des leçons de cette série.
En guise de conclusion
On aurait pu se passer des erreurs ou approximations dans certains scénarios : la DDASS (qui a disparu en 2010) n’avait plus la charge des enfants en souffrance depuis la loi de décentralisation de 1983, et l’Aide Sociale à l’Enfance, service du Conseil Départemental qui la remplace, est née en 1984. Donc, même quand il s’agit d’affaires qui évoquent un placement vingt ans auparavant, l’erreur choque. Le Conseil de l’Enseignement Supérieur, cité dans la saison 1, n’organise pas les examens.
On aurait aimé aussi que ne soit pas évoqué l’autisme à travers le cliché d’un enfant qui se balance, (d’autant que l’enfant sait appeler sa mère, ce que beaucoup d’enfants autistes ne savent pas faire, surtout à cet âge) ou l’autre cliché de la place magique en Belgique à prix d’or : un certain nombre d’enfants autistes sont en Belgique, mais pour y être scolarisés, aux frais de la Belgique, et ce sont d’abord des frontaliers ; quand ils sont hébergés, c’est la France qui paie, et en aucun cas la Belgique ne propose une « méthode » inédite et miraculeuse (les programmes éducatifs efficaces font l’objet d’un consensus international). Si les créateurs veulent à nouveau parler d’autisme, je leur suggère de se documenter auparavant, par exemple auprès de l’association que j’ai l’honneur de présider.
Enfin, on ose espérer que l’épisode Thérapie mortelle est à prendre au second degré. Oser appeler, en effet, thérapie comportementale, une proposition vaguement appuyée sur les méthodes de charlatan des adeptes du « Rebirth », frise l’escroquerie intellectuelle. L’incompétence crasse de la France en matière de psychiatrie et de psychologie cognitive n’est hélas plus à démontrer, et fait de nous la risée du monde entier, outre qu’elle a massacré des générations successives d’enfants et adultes avec des troubles neuro-développementaux. Ce dérapage, voulu ou non, est d’autant plus étonnant, que les auteurs savent à l’évidence très bien ce qu’est la psychologie comportementale et l’utilisent astucieusement : dès l’épisode 2 de la saison 1, Kader utilise spontanément la motivation pour les séries américaines dures à trouver dont il dispose, pour obtenir un travail plus rapide d’un de ses co-équipiers, et la réutilise souvent, (Adeline s’en sert aussi, en promettant une série, ce que Kader identifie comme l’imitation d’une de ses « chériferies ») et Dejax demande aussi une motivation pour éplucher des dossiers médicaux. En psychologie comportementale, c’est ce qu’on appelle des renforçateurs, et nous avons tous les nôtres.
A titre personnel, j’ai une pensée inquiète pour l’hygiène alimentaire déplorable de nos deux héros, qui alternent cafés à haute dose, pizzas, et « cuisine légère » de Mme Cherif (je cite Adeline). Heureusement, c’est une fiction. Au fait, qu’est devenu le repas préparé par Kader à la fin de la saison 4, étant donné que les créateurs ont privilégié, à l’évidence, une autre sorte de faim ?
En dehors de ces quelques réserves, cette série est une très belle réussite : au fil des saisons, les deux héros s’affinent, se raffinent et s’enrichissent : la complicité du couple d’acteurs est évidente et contribue à la qualité de la création ; lumières et musiques sont toujours soignées. Les 4 premières saisons forment un ensemble cohérent, construit autour de tonalités différentes, et il sera intéressant de découvrir ce que les créateurs ont inventé pour renouveler la lecture de cet ensemble et la réorienter éventuellement. Dommage qu’il faille attendre un an chaque fois pour avoir la suite de la série.
La série repose largement sur les épaules d’Abdelhafid Metalsi, – il peut se le permettre -, dont le talent, la présence et le charisme sont exceptionnels, et irradient dans certains épisodes, en particulier dans la saison 4. Mais il n’écrase jamais ses partenaires : c’est la force des grands. Face à l’acteur qui a le rôle-titre, Carole Bianic avait un vrai défi pour défendre son rôle, même s’il est bien construit et donne au personnage d’Adeline Briard une forte personnalité : elle le fait avec beaucoup de finesse et c’est d’abord elle qui donne de la profondeur à l’histoire d’amour des deux héros. A cet égard, le recentrage en saison 4 sur Adeline est bienvenu ; l’actrice donne sa grâce et l’intelligence de son jeu personnel à l’histoire d’amour. C’est cet équilibre subtil entre les deux acteurs qui donne son élégance et son raffinement à la série.
Tous les acteurs sont excellents, y compris les guest-stars. Mention spéciale à Sara Martins, géniale en psychopathe vénéneuse à l’enfance saccagée, et à Jacques Weber, dans le rôle d’un ponte pathétique rattrapé par la maladie d’Alzheimer, qui explique de manière émouvante dans son interview, que la perte de la mémoire est une hantise pour le comédien qui vieillit.
On retiendra, entre autres, de cette série, des images magnifiques : les deux héros côte à côte sur la passerelle qui a vu le meurtre d’Aurore Surgères, le visage douloureux de Kader qui voit passer Adeline dans la voiture de Garnier, ou l’écoute chanter lors du karaoké (les deux héros sont au bord des larmes), le visage sidéré d’Adeline qui voit Kader dans les bras de son ex-femme, la tendresse de Kader qui comprend qu’Adeline l’a sauvé des griffes d’Inès, ou la console à la suite de son dîner raté avec Garnier, que pourtant elle semble lui préférer, le visage d’Adeline dans la scène de rêve liée au mariage de Déborah, le visage en pleurs d’Adeline qui a sacrifié l’enquête sur son frère pour sauver Kader, son regard terrorisé retourné vers Kader dans la boucle temporelle, et des scènes emblématiques, (Kader qui se laisse menotter par Adeline au début de la saison 1, le karaoké, Kader qui apprend la langue des signes, l’enlèvement d’Adeline) au premier rang desquelles un morceau d’anthologie : le tango des deux héros avec les extraordinaires mimiques de Carole Bianic, à la fois fascinée et perturbée par cet homme : la plus érotisée des danses (le tango), qu’elle partage avec lui la renvoie à ce qu’elle ne maîtrise pas et dont elle ne sait pas quoi faire. Cet épisode emblématique fait partie de ce qu’Adeline cite spontanément pour tester la mémoire devenue défaillante de Kader dans l’épisode 4 de la saison 3.
Cherif est plus qu’une série parmi d’autres, c’est une œuvre où les personnages se construisent dans le temps comme dans un roman, aidés en cela par un tournage sur plusieurs années des 4 saisons existantes. Cette série positive et apaisée, sans être naïve, avec son niveau élevé d’exigence esthétique et éthique, honore le service public.
Danièle LANGLOYS
Juillet-Août 2017